Comment faire adhérer ses collaborateurs à la logique qualité pour un établissement de l'enseignement supérieur ?
- Olivier Macé
- 4 avr.
- 8 min de lecture

Quels sont les préalables à la qualité ? Dans cet article, nous proposons 12 leviers pour s'assurer d'un déploiement optimal de la stratégie qualité auprès des collaborateurs d'un établissement de l'ESR.
1) Projet de l’établissement compatible et intégrant la qualité dans sa démarche
Dès le projet de l’établissement, la culture qualité doit apparaître clairement puisque l’étudiant est le cœur et la finalité d’un établissement d’enseignement supérieur et cela ne doit pas être pour faire plaisir aux parties prenantes et notamment aux évaluateurs ou auditeurs dans le cadre des évaluations ou accréditations qualité. En principe, le projet de l’établissement sur la question de la qualité doit s’inscrire dans la durée avec la volonté et la logique de l’amélioration continue pour croître année après année.
Ainsi dans le projet de l’établissement, la qualité doit s’inscrire dans une logique d’héritage, de continuité et d’avenir avec des objectifs clairs définis jusque dans les plans d’actions complémentaires au projet de l’établissement.
2) Incarné par la direction de l’établissement, cohérence entre le dire et le faire et les moyens mis en œuvre
Du projet de l’établissement, cela doit pouvoir être incarné idéalement dans la durée, dans l’Histoire de l’établissement et sa culture. La direction et l’ensemble des directions doivent y être attentives et cela doit pouvoir s’incarner. Les collaborateurs et les étudiants l’identifient aisément au bout de quelques jours voire quelques minutes si les paroles sont en cohérence avec les actes et notamment au sujet de la qualité. Alors oui, il peut y avoir des choix délibérés ou non de « négliger » certains aspects de la qualité pour se concentrer sur d’autres (exemple : les bâtiments vs l’accompagnement et la qualité académique) mais la fausse note voire la mauvaise partition s’identifie assez aisément et a fortiori pour les collaborateurs. Le respect des valeurs, des personnes et des paroles notamment liées à la stratégie et à la qualité sont autant d’éléments déterminants auprès des parties prenantes d’un établissement d’enseignement supérieur.
L’incarnation du projet de qualité se vérifie par des actes et actions concrètes : organisation cohérente et adaptée, direction qualité, moyens adaptés pour chaque acteur avec des objectifs atteignables au regard des moyens alloués.
3) Projet sur la qualité faisant preuve de clarté et d’une attention particulière dans sa communication
En complément des 2 points précédents, le projet doit, en effet, faire preuve de clarté, d’une continuité ainsi que d’une communication régulière ponctué de liens avec les achèvements de l’établissement renforçant l’impact de la communication, la continuité et la cohérence évoquée dans le point précédent.
Le projet de l’établissement et notamment au titre de la qualité doit être facilement accessible, dans le ou les formats jugés pertinents par l’établissement (par défaut un document PDF sur le site internet mais qui peut également être complété par une vidéo spécifiquement sur la politique qualité de l’établissement).
4) Culture d’entreprise x culture qualité
La culture d’entreprise doit pouvoir englober une certaine culture qualité. Certaines cultures d’entreprise sont une force pour ne pas dire un véritable avantage concurrentiel. Elles permettent une continuité à l’établissement. Par contre, la culture qualité n’est que rarement liée à la culture d’entreprise. Cela ne va pas se décréter de créer une culture qualité si elle n’est pas déjà présente dans une entreprise existante depuis plusieurs années voire décennies. Mettre en place une culture qualité et que celle-ci ait un impact sur la culture d’entreprise, cela prend du temps : des mois et plus vraisemblablement des années. Cela est souvent lié au secteur d’activité et pour l’enseignement supérieur, cela se vérifie en fonction de l’identité de l’établissement pour l’essentiel, de son Histoire et potentiellement du domaine d’études. Si la politique qualité de l’établissement, dans une logique exigeante avec une adhésion forte des collaborateurs est possible, cela prendra quelques avant que la culture qualité soit étroitement liée à la culture de l’entreprise.
5) Care / prendre soin de ses étudiants, de leur satisfaction, de leur réussite et insertion professionnelle
Un établissement d’enseignement supérieur a la caractéristique de prendre en charge des étudiants dans une logique d’accompagnement afin de les conduire à la réussite de leur projet professionnel. Cela va de l’assurance que chacun d’entre eux a les moyens de réussir à travers ses capacités et les ressources et capacités de l’établissement à le faire réussir et que son projet professionnel est en adéquation avec les débouchés de la formation. L’étudiant/étudiante est au cœur du projet de l’établissement. Un étudiant, a priori, ne doit pas être vu comme un client mais quoi qu’il en soit sa satisfaction et son bien-être sont au cœur des enjeux de l’établissement.
En fonction de l’exigence énoncée par l’établissement et en principe en conséquence attendue par l’étudiant (et attention au gap d’attentes et d’exigences entre établissement et étudiant), l’établissement devra s’assurer des moyens d’actions et de l’amélioration continue de chacun des aspects de l’exigence et qualité énoncées.
6) Cela commence dès le recrutement et l’intégration du nouveau collaborateur.
Cela doit être un critère de recrutement (niveau d’exigence, culture qualité ou capacité à se former à l’amélioration continue dans son domaine)
C’est une attention dans le parcours d’intégration du nouveau collaborateur
Et rappelons-le, cela fait partie du fonctionnement et de la culture de l’entreprise. Sinon, l’entreprise déteindra tout de suite sur le nouveau collaborateur qui détectera le double discours.
7) La culture qualité chez les enseignants-chercheurs est très forte.
En effet, au regard de l’exigence de son parcours notamment de doctorat/MCF/HDR, de production scientifique, de publication dans des revues classées à comité de lecture, la logique qualité existe et de façon très développée. Par contre, il se peut qu’il y ait des réticences, pour certaines tout à fait compréhensibles, que l’exigence qualité en étant présente sur tous les domaines tout le temps soit chronophage et traduise une désorganisation et un manque de moyens et soit incompatible avec l’exigence propre à la recherche. Il appartient donc à l’établissement de mettre en place l’organisation et les moyens adaptés et nous verrons comment y arriver.
8) Adhésion des collaborateurs
Ainsi l’ensemble de ses recommandations doit faciliter l’adhésion des collaborateurs. L’environnement de l’entreprise, son héritage et sa culture seront le premier marqueur. Si l’établissement part de loin, 2 stratégies possibles : la rupture ou la progressivité. Dans certains cas, la rupture est nécessaire pour créer un électro-choc ou choc endogène maîtrisé et assumé pour avoir un impact significatif et durable. Toutefois, cela peut provenir d’un élément exogène à l’établissement notamment lié à l’environnement : concurrence exacerbée, diminution des effectifs au sein de l’établissement, perte de places dans les classements, nouvelle réglementation qui oblige l’établissement à ce choc. La progressivité aura l’avantage de la souplesse et de chercher à préserver de façon immédiate la paix sociale mais peut conduire à l’absence de changement des mentalités et une adhésion au projet pas nécessairement plus élevé qu’en cas de rupture.
Quoi qu’il en soit, l’adhésion des collaborateurs est l’enjeu majeur à la réussite à la logique qualité.
Il sera pertinent de mettre en évidence les gains d’une telle stratégie :
- Pour les étudiants (objectif en principe de l’établissement) :
o Hausse de la satisfaction
o Hausse de l’image de marque/renommée/qualité perçue
- Pour l’établissement
o Hausse du recrutement à MT/LT ou sécurisation du recrutement dans un contexte morose et/ou hyper concurrentiel
o Hausse de la performance de l’établissement : indicateurs qualité/satisfaction, indicateurs de productivité, indicateurs de performance financière
o Gains à la politique qualité sur la performance de l’établissement en passant par l’efficience, la hausse de l’exigence, politique d’amélioration continue, le souci de tous
o Redistribution d’une partie des gains aux collaborateurs
- Pour les collaborateurs, in fine, hausse de la qualité, du recrutement et performance de l’établissement favoriseront :
o Avec la redistribution d’une partie des gains aux collaborateurs sous forme d’intéressement et/ou hausse des salaires
o Hausse probable du sentiment d’appartenance – limitation du turn-over / lien avec une marque employeur forte
o La solidité financière et de la qualité de l’établissement donnent des garanties supplémentaires aux collaborateurs en leur apportant une sécurité dont certains sont en recherche.
Ainsi une politique qualité réussie ou la hausse des ambitions liées à cette dernière passe par l’explicitation de ses enjeux et gains pour l’ensemble des parties prenantes et notamment des retombées pour l’ensemble des collaborateurs. En fonction du fonctionnement de l’établissement, de ses possibilités à venir de redistribution voire de comparaison avec d’autres modèles, chaque établissement doit être en mesure de construire un argumentaire adapté et vrai. Si l’établissement en éprouve le besoin pour donner davantage de garanties, il peut l’écrire formellement. La comparaison avec d’autres modèles de l’enseignement supérieur qui fonctionnent en ce sens est également une solution potentielle.
Cela peut passer par la formalisation que tous les ans ou tous les 3 ans, un état des lieux est réalisé avec prise en compte avec des critères objectifs de la situation quant à la qualité de l’établissement, quant à son recrutement au regard de son environnement et de sa situation financière, en principe liées (mais pas systématiquement). Si tous les voyants sont au vert, l’établissement peut envisager de redistribuer une part des gains, à définir par l’établissement, comparativement à la somme allouée aux investissements complémentaires permis par les gains afin de pérenniser l’avenir et la qualité.
Ainsi pour les collaborateurs, les gains peuvent être répartis entre (1) hausse des salaires si les gains semblent avoir un caractère « définitif » et que l’environnement est favorable à l’établissement et (2) une logique d’intéressement ou équivalent ou de primes exceptionnelles. Le mix des 2 : hausse des salaires et prime ponctuelle semble être une bonne chose et généralement, les établissements privilégieront la prime en montant et pourcentage du gain pour son caractère instantané sans impact sur les finances des années suivantes. Elle aura également l’avantage d’être concrète pour les collaborateurs.
9) Impliquer les collaborateurs dans l’ensemble des instances de l’établissement afin d’intégrer et de favoriser la culture qualité
Pour un établissement qui part de rien ou presque concernant la culture et politique qualité, on peut considérer que l’on est dans une logique de conduite du changement et qu’à ce titre, la réussite du processus passe par l’implication des salariés pour son bon fonctionnement. Ainsi il peut être pertinent de mobiliser des groupes de travail dans les différentes instances de l’établissement jugées pertinentes afin de mettre à contribution les collaborateurs en se limitant aux grandes lignes du projet, au pourquoi et que chaque instance puisse être exprimée ses attentes, ses craintes ainsi que ses propositions au bon fonctionnement d’un tel projet. L’incarnation à tous les niveaux de la qualité en fonction du degré d’exigence qualité et des moyens associés par l’établissement permettra d’atteindre les objectifs fixés par l’établissement. Dans les mois et années qui suivront, les groupes de travail probablement davantage par services que par instances représentatives favoriseront le développement de la qualité dans une logique plus fine et notamment sur les process.
10) Former les collaborateurs
En fonction des missions dévolues à chaque collaborateur, former sur quelques jours à quelques jours en fonction des missions confiées et mettre en perspective que la qualité est déjà travaillée par toutes et tous et que par des actions concrètes, la prise de conscience des bonnes pratiques de l’établissement et de quelques leviers, des gains seront visibles rapidement pour la satisfaction de tous.
11) Bénéficier d’une organisation et structuration de la qualité en soutien de l’établissement
Dès que la taille de l’établissement le permet, un service qualité dédié doit pouvoir émerger pour assumer stratégie qualité de l’établissement en lien avec la direction générale et être un soutien opérationnel et fonctionnel au service de l’ensemble des collaborateurs. Son existence, sa pertinence et sa flexibilité associées à des moyens adaptés sont autant de clés au bon fonctionnement et à la garantie pour les collaborateurs de leur accompagnement au service de la qualité.
Enfin, cela va de soi, le service qualité doit faire preuve de compétences fortes reconnues par l’établissement et ses collaborateurs. L’autorité de compétences favorisera l’adhésion des collaborateurs.
12) Déconstruire les préjugés ou non-dits autour de la qualité et donner des garanties aux collaborateurs sur les gains et l’utilité réelle
Ce point sera abordé dans un prochain article.